Chapitre 11

Au nom de tout ce qui nous est vénérable je fais solennellement cette triple promesse à la Sainte Congrégation du peuple soumis à ma règle. Premièrement, la religion sacrée que nous avons tous embrassée veillera sans faillir, sous mes propres auspices, au respect de la liberté de chacun ; deuxièmement, je ferai en sorte d’adoucir toute forme de violence et d’iniquité qui pourrait nous être infligée ; troisièmement, j’ordonnerai que tout jugement soit assorti d’une prompte clémence afin que sur vous et sur moi le Seigneur puisse étendre sa Connaissance.

Le Serment du Pouvoir, Textes Sacrés de la Sainte Congrégation dosadie.

 

Broye se releva après avoir prié, chercha à tâtons un siège derrière lui et s’y laissa tomber. Une obscurité totale l’enveloppait, L’endroit où il se trouvait était une sphère protégée, aménagée dans le fond du graluz. L’épaisse paroi circulaire entourée d’eau chaude assurait le bien-être des femelles et de leurs œufs l’accès à la sphère se faisait uniquement au moyen d’une trappe qui reliait le plancher du graluz à un boyau sinueux entièrement submergé.

La pression intérieure de la sphère empêchait l’eau d’entrer, mais l’atmosphère qui environnait Broey avait l’odeur rassurante du graluz et contribuait à maintenir l’état d’âme particulier dont il avait besoin.

Au bout de quelque temps, le Dieu parla à Broey et il se sentit débordant de joie. Dieu ne parlait qu’à lui. Les mots grésillaient dans sa tête. Les scènes se gravaient dans ses centres visuels.

Oui ! Oui ! Je reste le gardien de la Poldem !

Dieu fut rassuré et le fit savoir à Broey.

Ce jour-là, Dieu enseigna à Broey un rite qu’il n’avait jamais vu pratiquer avant et qui était réservé aux Gowachins. On l’appelait laupuk. Broey y assista visuellement dans ses plus sanglants détails, et il ressentit par toutes ses cellules la justesse de ce nouveau rite.

Responsabilité, expiation… tel était l’enseignement de laupuk, et Dieu signifia son approbation lorsque Broey déclara qu’il avait compris.

Ils communiquaient à l’aide de mots muettement exprimés dans la pensée de Broey, mais il y avait d’autres pensées que le Dieu ne pouvait percevoir. De même le Dieu, sans nul doute, avait des pensées qui n’étaient pas transmises à Broey. Le Dieu se servait des créatures et les créatures se servaient du Dieu. L’intervention divine ne manquait jamais d’être assortie d’une coloration cynique. Ce n’était qu’au bout d’un long et douloureux apprentissage que Broey avait pu exercer son métier d’Electeur.

Je suis ton serviteur, mon Dieu.

Obéissant à l’admonestation divine, Broey gardait le secret sur cette communion surnaturelle. Obéir favorisait ses desseins, de même sans doute que les desseins du Dieu. Mais il y avait des moments où Broey avait envie de crier :

« Imbéciles ! Vous ne comprenez pas que ma voix est la voix de Dieu ! »

D’autres Électeurs avant lui avaient commis l’erreur. Ils étaient vite redescendus des cimes du pouvoir. Quant à lui, Broey était prêt à tout pour s’y maintenir. Tirant parti de l’expérience accumulée par plusieurs générations, il savait que c’était la meilleure assurance qu’il pût avoir d’échapper un jour à Dosadi.

De toute manière, les imbéciles en question obéissaient à ses volontés (et par conséquent à celles du Dieu) sans avoir besoin d’admonestation divine. Ce qui était parfait. Il suffisait de savoir présenter au Dieu un choix limité de pensées… en prenant bien garde de ne pas avoir de pensées privées n’importe où, n’importe comment. Il y avait des moments où Broey sentait en lui la présence divine sans même avoir eu besoin de prier ni de se préparer dans l’obscurité de cette sphère. Dieu pouvait regarder par les yeux de Broey quand il le désirait. Discrètement, en toute quiétude, il épiait à travers les yeux d’un mortel le monde qu’il avait créé.

« Mon serviteur est bien protégé. »

La chaleur que cette assurance répandit en lui évoqua pour Broey la tiédeur du graluz à l’époque où il n’était encore qu’un têtard toujours derrière sa mère. C’était une parfaite sensation de sécurité qui, par contraste, fit remonter la vision enfouie de cette autre scène du graluz où un énorme mâle gowachin fendait sinistrement les eaux en dévorant tous les têtards qui n’étaient pas assez agiles ni rapides pour lui échapper.

J’ai été parmi les agiles.

Le souvenir de cette fuite aveugle et éperdue dans les entrailles du graluz l’avait aidé à mieux se comporter en présence du Dieu.

Dans l’obscurité de la sphère, Broey frissonna. Les voies divines étaient certainement cruelles. Ainsi armé, un serviteur du Dieu pouvait être lui aussi cruel et surmonter le fait de savoir ce que c’était que d’être à la fois humain et gowachin. Il n’avait qu’à être le pur serviteur du Dieu. Cette pensée-là, il la partagea.

 

Prends garde à toi. McKie. Dieu m’a expliqué d’où tu venais. Je sais quelles sont tes intentions. Ne quitte pas le milieu du chemin, McKie. Tu risquerais d’encourir mon déplaisir.

Dosadi
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